La Régulation Vagale


Le système nerveux autonome, composé d'un accélérateur et d'un frein, régule notre métabolisme, nos fonctions vitales, nos rythmes biologiques, notre capacité à nous mettre en action et à nous reposer, notre capacité à sentir ce qui se passe en nous, nos émotions, ainsi que nos contacts avec les autres.
Un mauvais tonus du nerf vague (le frein), ou un déséquilibre par rapport au tonus sympathique (l'accélérateur), produisent de nombreux symptômes.
Les neurologues ont longtemps cru que cette partie du système nerveux était autonome, parce qu'elle ne réagit pas aux commandes conscientes comme le font les muscles des membres par exemple.
En fait, ce système est relativement autonome parce qu'il contient moins de connexions qui partent du cerveau vers les organes que dans le sens inverse.
Autrement dit, le cerveau est très bien informé de nos états internes, mais il agit plutôt indirectement sur eux par des actions comme manger, boire, rire, se reposer, se protéger, aimer, pleurer, combattre, avoir des rapports sexuels, etc.
Accéder directement à l'activité ou à l'état du système nerveux autonome dans son ensemble est donc une chose assez compliquée.
Mesurer la chaleur et la transpiration à l'extrémité des membres reflète le niveau d'activité du système sympathique (l'accélérateur), mais pas celui du système parasympathique (le frein).
La dilatation et la contraction de la pupille des yeux reflètent respectivement le niveau d'activité du système sympathique et celui du système parasympathique. Mais ça n'est pas évident à mettre en œuvre, tant dans le contrôle précis de la luminosité que dans la mesure précise de la taille de la pupille.
Une méthode relativement simple consiste à mesurer les battements du cœur. Lorsque nous inspirons, le rythme cardiaque accélère sous l'effet du système sympathique. Tandis que lorsque nous expirons, le rythme cardiaque ralentit sous l'effet du système parasympathique. Cette variation de rythme s'appelle l'arythmie sinusale respiratoire. Elle peut être mesurée grâce à un capteur placé sur le corps, lequel est relié à un logiciel qui enregistre et analyse les pulsations cardiaques.
Une faible amplitude de cette arythmie sinusale respiratoire reflète un mauvais équilibre entre le tonus du système sympathique et celui du système parasympathique. Le plus souvent, c'est le stress chronique (activité sympathique trop élevée), ou une faiblesse du tonus vagal (une des deux branches du système parasympathique) qui en sont la cause.
Comment agir sur le système nerveux autonome ?
Nous avons vu que le cerveau a peu de prise directe consciente sur le système nerveux autonome. Néanmoins, une bonne connaissance du fonctionnement du système nerveux offre plusieurs portes d'entrées pour agir indirectement sur les éventuels déséquilibres entre le système sympathique et le système parasympathique.

Représentation du nerf trijumeau
Le nerf trijumeau situé au niveau de la face par exemple, communique avec le nerf vague via le noyau trigéminé spinal et le noyau du tractus solitaire. La stimulation de certaines zones du visage permet donc de normaliser un tonus parasympathique défaillant.
La peau des oreilles offre également une voie directe sur le nerf vague, ce qui pourrait expliquer un éventuel effet global de l'auriculothérapie sur l'équilibre général au sein du système nerveux autonome. Toutefois, et comme en ce qui concerne la réflexologie plantaire, aucun lien n'a jamais été établi entre des points précis de l'oreille (ou de la plante des pieds) et des organes précis.
En revanche, la stimulation électrique transcutanée du nerf trijumeau ou du nerf vague a fait l'objet de plusieurs études scientifiques qui semblent démontrer un bon effet sur les acouphènes, les troubles digestifs, certaines douleurs comme la fibromyalgie ou les migraines, l'hypersensibilité, l'épilepsie, l'hypertension, la dépression, et les symptômes du stress post-traumatique.
On peut également agir indirectement sur le système nerveux autonome à travers la lumière et les couleurs. En effet, la diminution de la quantité de lumière parvenant aux yeux a pour effet de diminuer l'activité sympathique. La couleur rouge a tendance à augmenter l'activité sympathique. Tandis que la couleur bleue a tendance à augmenter l'activité parasympathique.
La respiration enfin, permet de réguler l'équilibre entre le système sympathique et le système parasympathique. Toutefois, il faut veiller à ne pas se tromper d'interprétation ! Respirer régulièrement en situation de repos n'a pas d'effet automatique sur les accélérations et décélérations du rythme cardiaque, car elles s'effectuent de manière strictement autonome. En revanche, il est tout à fait possible de caler volontairement sa respiration sur les accélérations et décélérations des battements cardiaques. Cette prise de conscience par biofeedback appelée cohérence cardiaque permet à la fois de synchroniser les deux activités, mais aussi d'exercer l'intéroception dont nous allons parler ci-dessous.
La système nerveux autonome aux fondements de la conscience ?
En 2018, une équipe de l'INSERM de Lyon a ramené à la conscience un patient qui était dans le comas depuis 15 ans suite à une grave accident de voiture, par la stimulation électrique de son nerf vague.
Ce résultat peut paraître étrange, mais des neuropsychologues comme Ashley Craig, des psychologues cognitivistes comme Manos Tsakiris, et des psychiatres comme Hugo Critchley, ont établi depuis les années 2000-2010 que les signaux sensoriels provenant du système nerveux autonomes étaient centralisés sans une zone du cerveau appelée cortex insulaire. Il se trouve que l'activité de cette partie du cortex est très étroitement liée à la perception consciente de nos états internes et de notre "Moi". Grâce à cette perception, nous avons l'assurance que la main que nous voyons est la notre ou pas, que nous sommes bien le sujet de ce que nous ressentons ou de ce qui nous arrive. C'est l'intéroception.
Or, tout comme certaines personnes présentent un déséquilibre entre le tonus sympathique et le tonus parasympathique, certaines personnes ont une perception imprécise de leurs états internes. Cela a été brillamment mis en évidence par Manos Tsakiris à l'aide d'un tests très simple. On demande à la personne de percevoir et de compter les battements de son cœur pendant un certain temps. Parallèlement, on compte les battements cardiaques réels de la personne. Puis on compare les deux pour obtenir un score d'intéroception. Lorsque les deux nombres correspondent exactement, le score d'intéroception est parfait. Plus les deux nombres divergent, moins le score d'intéroception est bon.
Il se trouve que les personnes dont le score d'intéroception est faible ont tendance à présenter des symptômes comme ceux décrits plus haut au sujet de la stimulation du nerf vague ou du nerf trijumeau. Mais aussi l'anorexie, la boulimie, l'autisme, le défaut d'empathie, le bégaiement, les troubles obsessionnels compulsifs, l'anxiété chronique, les troubles de l'humeur, les troubles de la personnalité borderline, les troubles du stress post-traumatique.
La régulation vagale en Psychoposturologie
Le Sens Corporel étant basé sur un système sensori-émotivo-moteur primaire qui émerge durant le développement embryonnaire, il est évident que la Psychoposturologie accorde une grande attention à l'activité du système nerveux autonome.
Les troubles du sommeil et les troubles des fonction d'élimination (l'énurésie, la constipation ou la diarrhée chroniques) impliquent nécessairement cette partie du système nerveux. On remarquera que ces fonctions apparemment autonomes sont en fait soumises à une éducation, donc à une mise sous contrôle de l'activité réflexe. Le tout petit doit apprendre progressivement à dormir, à s'alimenter, à s'hydrater et à éliminer presque sur commande, à certains moments de la journée et dans des endroits appropriés.
A un niveau plus émotionnel on trouve le stress, l'anxiété, la dépression, les peurs inexpliquées (phobies), les angoisses (diurnes ou nocturnes), ou sous des formes plus légères le manque de confiance en soi, ou la difficulté à aller de l'avant. Ces troubles de la motivation ont en commun un décalage entre un besoin et le(s) moyen(s) de satisfaire ce besoin. C'est ce que Manos Tsakiris appelle l'erreur somatique. Il s'agit d'un décalage répété entre l'état interne envoyé dans le cortex insulaire par le système nerveux autonome, et l'état interne désiré anticipé par les systèmes de contrôle du cerveau sur le système nerveux autonome (c'est à dire les contrôles appris). C'est par exemple, se sentir régulièrement angoissé alors qu'on est en sécurité chez soi entouré de proches aimants, ou ne pas réussir à s'endormir chaque fois qu'il faut se rendre à un rendez-vous important le lendemain. Là encore, le contrôle imparfait de certains réflexes, mais aussi les symptômes sans rapport avec l'état du corps générés par les fascias, et la difficulté à interpréter les signaux émis par le Sens Corporel, jouent un rôle important dans l'erreur somatique.
De la même manière, lorsque les croyances et les valeurs issues de l'éducation, de l'instruction ou des normes sociales sont jugées comme prioritaires. Déconnectée de ses états internes tout autant que de ce qui se passe ici et maintenant, la personne vit comme un être virtuel dans un monde virtuel. Le passé ou le futur sont présents comme si elle y était. Ce qui aurait dû être fait, ou ce que devra être fait, et surtout un flot inépuisable de mots, sont vécus comme des actions réelles et concrètes. Se reconnecter avec soi concrètement, ici et maintenant, à travers des stimulations sensorielles, les possibilités du corps et le ressenti, offre la possibilité de sortir de ce type de fonctionnement sans passer par les pièges de la réflexion et de la parole.